Psychologie versus Mentalité

Il est un combat de tous les instants que de parler de mentalité de personnages plutôt que de psychologie.


Pourquoi ce combat ? Vous allez voir que c'est très simple.

Il est vrai que pour un scénariste, il n'y a pas grandes conséquences de parler de psychologie d'un personnage, étant donné qu'il le construit et l'imagine tel qu'il le désire dans le cadre de sa fiction (ce personnage peut être créé de toute pièce ou bien inspiré, il est de toute façon réduit à la vision qu'en a le scénariste tant qu'il n'a pas été élevé au rang de personnage interprété). Le réel problème, vous l'aurez compris en lisant la précédente parenthèse, est relayé aux comédiens-interprètes.
Je m'intéresse donc ici au scénario de cinéma, de théâtre et de fiction sonore, et non à celles destinées à un support final papier (bande dessinée par exemple).


Beaucoup diront qu'il ne s'agit là que d'un souci sémantique, et je ne leur donnerai pas tort. Mais nous sommes tout de même dans un domaine hautement grammatical, même si nous fuyons l'aspect littéraire dans nos écritures. Les mots ont une importance, c'est même ce qui constitue notre œuvre, et il me parait une bien piètre échappatoire que d'user de cette excuse minable du "tu joues sur les mots".


Mais évidemment que je joue sur les mots ! C'est inhérent à mon écriture ! (et à la tienne il parait, mais on n'est plus aux pièces)


Jamais vous n'entendrez de la bouche d'un comédien de théâtre parler de "psychologie", très justement parce que son travail est de "comédier", d'interpréter, de créer le personnage qu'il joue. La psychologie est l'étude scientifique de faits, d'agissements, d'une personnalité et d'un comportement (d'une façon de se comporter et d'agir). Essayez donc, après une telle définition, d'apporter la notion de regard, de point de vue, plus simplement d'interprétation ! La psychologie énonce une unique façon d'incarner (c'est-à-dire de se mettre dans la peau, de se glisser dans une coquille vide pour lui donner le mouvement qui la fera agir) un personnage : il n'y a aucune interprétation, pour la simple et bonne raison qu'il est dicté une unique façon de faire vivre le personnage.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je répugne quelque peu le terme d' "acteur" de cinéma. L'idée de mettre en action, et simplement de mettre en action, mettre en branle un carquois rigide, tel un automate dont il ne manquerait que les piles... où serait l'avenir de la profession ?


Alors que les termes "comédien" et "interprète" donnent tellement plus de sens au réel travail et talent des gens concernés. Il n'y a pas de psychologie, il n'y a que mentalité. Le scénariste imagine son personnage dans sa manière de penser, mais laisse libre champ au comédien de la façon dont il communiquera le résultat de sa réflexion dans son jeu. Il n'y a pas à parler de tempérament ou de science du comportement humain, car auquel cas, comment justifiez vous l'existence de tant de Sganarelle, de tant de Dom Juan, tous sensiblement singuliers alors qu'ils découlent des mêmes dialogues ?

Si le scénariste définit la manière de penser de son personnage, le comédien sera celui qui se pose les questions et y répond par la façon définie.
Si le scénariste écrit le choix prit par son personnage dans une situation donnée, il revient au comédien de s'adonner à la réflexion menant à ce choix.
Et lorsque le scénariste décrit une action de son personnage, c'est au comédien d'en définir le mouvement, l'impulsion et la dynamique.


Libérons nous de ces mots vides de sens que sont "psychologie", "personnalité", ..., et attardons nous sur la vraie signification des choses, qui rappelle que les comédiens font partie de ceux qui donnent vie et consistance à l'œuvre finale. S'il existe de meilleurs interprètes que d'autres, c'est donc bien qu'il ne s'agit pas seulement de copie, d'un transfert de mots figés à un Être visuel et/ou sonore en mouvement, mais de la recréation d'un individu (vivant dans la fiction). N'ôtons pas la part d'investissement qui revient au comédien, les cinéastes l'ont bien compris depuis longtemps.

Présenter son projet

Il faut distinguer la présentation d'un projet et celle de ses écrits. La nuance en vient notamment à la communication, obligatoire, de la résolution de l'intrigue dans la présentation d'écrits, alors qu'il est un choix de transmettre cette information pour le cas d'un projet.

Mais pour faire connaitre son projet, que dire, et comment le dire ?

  « "Une bonne histoire" est un récit qui vaut la peine d'être raconté et que le monde désire entendre. C'est à vous de donner cet objectif. »
dixit Robert McKee
Story - contenu, structure, genre

Il y a différentes étapes pour exposer son projet : le propos, le synopsis, la note d'intention. Une triade louant au mieux vos ambitions scénaristiques et artistiques.


Le propos

Il est l'idée. La phrase de laquelle est partie le projet tout entier, la construction de l'histoire, de son univers.

Il n'y a pas de réelle méthode pour la rédiger. Elle est une phrase qui informe du sujet (cf A.J. Greimas, définition de l'actant), de l'objet et/ou de la mission, et éventuellement des protagoniste(s) et antagoniste(s).

Schéma Actanciel de A.J. Greimas

Le synopsis

À ne pas confondre avec le pitch, version orale et commerciale du synopsis, d'une moyenne de 1min30 ou 2min, pour s'attirer les bonnes grâces de finançeurs potentiels (lors des marchés notamment).

« Le synopsis est la forme la plus accomplie possible du résumé d'une histoire. »
Luc Dellisse

Il faut distinguer le synopsis commercial, réécrit pour la sortie de l'œuvre (très rarement rédigé par le scénariste quand il s'agit d'un film, c'est parfois aussi le cas pour la bande dessinée), et celui qui est l'œuvre de l'auteur de l'idée originale, destiné aux productions. 

Quelque soit le format de synopsis adopté, qu'il soit court (une demi page à une page) ou long (jusqu'à huit-dix pages)*, le synopsis fournit un certain nombre d'informations.
*excluons la continuité non-dialoguée (appelée treatment, maladroitement traduit par traitement)


Le synopsis, préférablement, fournira le propos, la situation de départ (son équilibre, fébrile ou non, démentelé), l'élément déclencheur (crises et incident déclencheur), les obstacles, le conflit, et éventuellement, la résolution. Il doit évoquer plus ou moins explicitement le thème et la proposition dramatique.

Un synopsis plus long fournira de plus amples informations, essentielles à la compréhension de l'intrigue principale, comme les évènements-clefs et les retournements. Par sa simple construction, il laissera percevoir l'évolution dramatique du protagoniste : ses faiblesses et/ou besoin, son désir, et sa progression dans l'intrigue. Et présentera son (ou ses) opposants notoires.


Quelque soit le format choisi, le synopsis est soumis à la loi de la vraisemblance. Une action improbable, par exemple produite par un personnage qu'aucune caractéristique ou rôle communiqué jusqu'alors ne prédestinait à tel acte, ne peut exister. Tout doit être connu dans un synopsis : comment le personnage se voyait devoir mener sa vie, quelle est la force qui le meut, quelle influence palpable ses choix et ses actes (sa Volonté) s'effectue sur les différentes péripéties.
Le synopsis fournit les lignes de forces, et notamment l'axe du vouloir (formule des trois axes : du vouloir, du pouvoir, du savoir, mettant respectueusement en relation le sujet et l'objet, adjuvants et opposants, destinateur et destinataire).


  « la nature du contenu que propose [le synopsis] est de l'ordre de la séquence [...] une unité narrative complète, au sein d'un ensemble plus grand qui est l'histoire toute entière. »
dixit Luc Dellisse
L'atelier du scénariste - vingt secrets de fabrication
Un bon synopsis est donc doté d'une continuité et d'un fil directeur, et reste sans fioriture ni forme romancé. Sa force vient aussi de sa facilité de lecture.


La note d'intention

Elle est le Je. Elle explique vos ambitions concernant votre scénario, et l'attachement que vous y portez. Elle rend compte de ce que vous souhaitez raconter, pourquoi vous voulez le raconter, et comment vous voulez le raconter.

Vous y développez l'origine de votre projet (en en profitant pour renseigner quelques aspects historiques ou poser votre décors, votre Cadre), ce que vous y avez injecté et que vous voulez qu'il en ressorte (ce qui fait écho à la proposition dramatique) pour créer un impact sur votre public. Vous expliquez aussi les enjeux esthétiques et l'originalité de vos idées et de la façon dont vous les développer au cours du récit.

Elle est donc la description des différents affects que devra produire le support final de votre œuvre, et que devra ressentir votre public.


La note d'intention est ce qui rend unique votre projet, ce qui le distingue des autres projets aux yeux des lecteurs de votre présentation. Elle explique ce qu'est votre projet, et non ce qu'il n'est pas (évitez les négations ou le simple commentaire de l'action). Elle reste indispensable pour faire percevoir votre projet dans sa forme finale sur son support final (qui peut être filmique, sonore, illustré, et que le simple scénario écrit ne rendrait pas compte).


Article associé : http://www.scenario-buzz.com/2010/01/04/comment-presenter-son-projet-le-synopsis-et-la-note-dintention/

Discussion avec Jean-Luc Saumade

Aujourd'hui, j'ai eu l'occasion d'aborder l'un de mes scénarios avec un scénariste, M. J-L. Saumade. Il s'agit d'un scénario filmique de court-métrage, dont le principal défaut (et je le sais d'autant plus que ça m'arrive à chaque fois) est d'être trop étoffé.


Je m'explique : j'ai une fâcheuse tendance à explorer consciencieusement mon univers.

Ce n'est pas un défaut en soi. C'est même d'ailleurs une qualité dont jouissent de nombreux scénaristes, et que les prétendants à ce titre (ou même les auteurs occasionnels) devraient chercher à acquérir. Plus précisément, j'aime être rigoureusement au courant des connaissances humaines (dans les domaines scientifiques notamment), ainsi que les évènements historiques attachées à l'époque dans lequel s'inscrit mon récit. Vient alors mon coté perfectionniste qui arrive au grand galop... et qui me fait monter un master de cent cinquante pages pour un petit projet sans prétention dont la finalité est 20minutes...


Car oui, le scénario est gâchis.
Jeunes auteurs en herbe, si vous en doutiez encore...


Si vous me permettez de vous présenter succinctement et non-professionnellement le projet, le voici :
Dans une France de la fin du XIXe siècle, à l'ère de l'industrialisation, où la biologie et l'assistance médicale robotique automatisée se développent de concert, la guerre contre la Prusse s'éternise. Claude, prothésiste et artisan d'automate, accueille dans son cabinet les infirmes, les amputés et les estropiés pour les greffer et tenter de les réintégrer dans la société, pendant que s'entassent dans les officines de fortune montées au cœur les petits villages les blessés et mourants. Son amour pour son métier et son code moral seront mis à l'épreuve par l'arrivée d'un homme : Ernst Wagner, désirant une prothèse.

Vous l'aurez peut-être remarqués, il s'agit là d'une uchronie, inspiré de l'univers steampunk vernien. Si notre ère est au minimalisme, celle de cette fiction est au maximalisme (et croyez-le ou non, mais il est bien plus complexe de construire une uchronie que de rester fidèle à l'Histoire). En effet, l'énergie à vapeur, les immenses rouages, les machineries en cuivre, ... toute la mécanique bien huilée est glorifiée. Et y sont associés des domaines, comme, exemple s'il en est, la médecine. 
Dans une telle période, la société est valorisée et l'individu dévalué ; la machine prédomine vis-à-vis d'un homme, singulier. La Science est le cheval de bataille de la Civilisation.

Vous comprendrez donc aisément la masse d'informations qu'il a fallut rigoureusement réunir pour dominer les sujets traités, à savoir : la médecine du XIXe (les traitements et instruments, les us et coutumes-croyances-remèdes), les connaissances anatomiques (notamment les réseau et systèmes nerveux et sanguins, la neurologie, les muscles et les greffes déjà pratiqués jusqu'alors), les métaux et alliances connus et manufacturés (avec leurs propriétés et leur utilisation), les détails historiques liés à la guerre Franco-prussienne, la machinerie de l'époque, etc.
Et les recherches ne se sont pas limitées au pré-19e siècle, mais aussi au 20e et 21e, puisqu'il s'agit d'une uchronie. Ainsi donc, il est question d'associer des découvertes post-19e siècle à des évènements historiques pré-19e siècle. Et fictionnaliser un peu tout ça, en y mêlant un peu de grain personnel à moudre.



La discussion qui a suivi avec J-L. Saumade a été fructueuse, d'un certain point de vue.

Bien évidemment, discuter d'un scénario le fait invariablement évoluer, que ce soit dans le fond, la forme, ou la vision que l'auteur a de l'une ou de l'autre. Le point nodal de notre discussion peut se résumer en deux choses :
- un récit trop complexe pour du film de 20 minutes,
- et un personnage principal complexe.
Et j'avouerai que ça m'a chagriné. Mes préoccupations étaient plus centrées sur le temps du récit et les analepses, l'univers vaporiste (steampunk si vous préférez), ainsi que l'évolution du protagoniste (ce dernier point que l'on a, heureusement, traité).

J'ai la fâcheuse tendance à penser que, même s'il faut rester dans les lois du vraisemblable et de la causalité, intrinsèquement liés par leur définition même, il est possible de proposer une déraison ponctuelle et brève (par exemple si elle entraine le remord, ou si elle était motivée par un sentiment fort comme la haine). J'ai aussi tendance à penser qu'un personnage peut agir en contradiction avec sa ligne de conduite le temps d'un dessein (si cela est justifié, bien entendu, mais pas forcément dans l'instant. On peut en connaitre la cause plus tard (car là, il est question de causalité)).
S'il nous est possible de proposer des fins ouvertes, il nous est aussi possible de proposer une fin générée par une action nous apparaissant, au premier abord, sinon imprévisible, aberrante. Ne prenons pas le public pour plus bête qu'il n'est (je sais, parfois, c'est dur), il est évident qu'il cherchera à comprendre les actions d'un personnage.

  « Car le but n’est pas de faire faire à votre héros des choses pour qu’on l’aime, mais bien pour qu’il nous intéresse, qu’il nous étonne. [...] Pour cela nous allons lui donner à faire des choses inattendues qui vont perturber la compréhension de nos spectateurs et les obliger à rester attentif. »
dixit Olivier MARTIN


L'être humain, dans sa mentalité, est complexe. Si tout personnage peut être basé sur un archétype, il est possible de lui donner de l'épaisseur. Je ne parle pas ici de fioriture, mais réellement d'une complexité "normale", d'une complexité évidente constitutive au statut d'Homme. Il arrive que la Raison soit dépassée par des sentiments, fut-ce une folie passagère (une facilité dans de nombreux cas, mais il peut en être autrement si c'est bien amené). Dans le cas présent de mon scénario, je vois ça comme un moyen de donner un autre souffle à la fiction, ainsi que différents niveaux d'interprétation. Des interprétations qui pourront toutes être valables, probables, qui seront des hypothèses mais jamais une vérité finie et définie.

Ainsi, l'action du protagoniste sera justifiable, mais gardera une part d'incertitude ou incompréhension, car c'est dans la nature humaine d'être parfois émulé par des pulsions indécises. Et un léger doute persistera toujours, et prolongera la vie du film après sa fin "cinématographique".


Et sur cette vision, je ne pense pas que J-L. Saumade soit hostile. En revanche, et il a été légitime de se concerter sur ce point, introduire cette volonté dans un court-métrage n'est-il pas de trop ? Est-il question d'étoffer ou d'étouffer ?

Dans un format assez court, qui limite la construction du personnage sur la durée, est-ce là approprié ? La question se pose encore à moi. Je regrette encore de ne pas avoir évoqué une volonté de ne pas faire éprouver de compassion pour le protagoniste, mais bon... Il m'a conseillé de creuser du coté du personnage antagoniste. Le rendre plus vindicatif, et lui donner une autre vision de la technologie. Qu'il voit dans la biomécanique un moyen de surpasser sa condition d'Homme dans un certain aspect, et d'atteindre une forme de perfection dans le domaine qu'il cible (la peinture). Et c'est dans cette construction que l'opposition humanité (protagoniste) / technologie (antagoniste) pourrait se faire.



Il faut faire des concessions. Sur un format aussi court, l'archétype semble inévitable pour les personnages secondaires. Et il n'est possible de détailler et développer dans la continuité dialoguée qu'un seul personnage (et très souvent, le personnage principal. C'est encore plus le cas si la focalisation est interne). Si je veux détailler le protagoniste, il faut placer l'antagoniste sur un paradigme, un modèle déjà bien exploré qui ne perdra pas trop de spectateur.


Je vais avouer quelque chose... une phrase m'a sensiblement affectée dans cette discussion :
« Tu vas devoir en enlever »  
Naturellement, c'est constitutif à la réécriture que d'enlever, de condenser, de suggérer, de faire abstraction et de passer sous silence. Mais quand c'est une personne autre que soi-même qui le dit... c'est douloureux à entendre...



Vous pouvez retrouver Jean-Luc Saumade sur http://www.lestudioduscenario.com/ pour voir son parcours professionnel et ses projets en cours.

Nouvel ajout - manque de temps

Ces temps-ci, les travaux personnels me rongent. Je dors peu, mange peu, et je trime. Rien d'exceptionnel direz-vous. Certes, mais à un cran au dessus ce mois-ci.

J'ai assez peu de temps à consacrer à ce blog dans la semaine qui vient, et cette semaine déjà entamée ne semble pas être bien partie... En attendant, j'en ai profité pour ajouter une nouvelle liste dans le menu vertical, celle des articles incontournables. C'est beaucoup dire, et sans doute très flatteur pour leurs auteurs, mais il s'avère que je ne vois pas l'intérêt de redonder un sujet qu'un tiers a déjà parfaitement traité (et d'autant plus si j'agrée à son traitement du sujet).

Quitte à ne pas écrire d'édito cette semaine, je tenterai de ne pas me soustraire à mes lectures habituelles et de les ajouter dans cette liste si cela m'avère utile. Les articles viendront des sites et blog donnés ci-contre, mais pas seulement. Des numéros des CdC y auraient parfaitement leur place, mais hélas, leur lecture est payante (tant sur papier que sur le site) pour les non-abonnés. Et je ne peux suggérer quiconque de payer, même par simple référence sans qu'elle soit encadrée par des arguments au sein d'un édito. Mais ponctuellement, on trouve de bonnes réflexions qui font leur chemin sur le net, et en donner le lien me semble intéressant pour tout le monde.


En espérant que la liste ne reste pas trop vide longtemps.

Mais à quoi ça sert ?

Le 5 et 6 Novembre se déroulaient, comme chaque année depuis 24ans maintenant, les Joutes du Téméraire à Nancy, auxquelles je participais et tenais un stand sur l'écriture de scénario dans le cadre de la fiction sonore. Et une nouvelle fois, l'on a pu faire le constat que beaucoup de gens avaient une certaine... aversion  envers les formules d'écriture.

Mon édito sur le modèle actanciel en faisait déjà allusion, mais pour reprendre sur de bonnes bases en ce mois de Novembre, j'aimerai m'attarder sur le sujet.



« Mais à quoi ça sert ? »
Voici l'une des phrases que l'on entend le plus souvent. Je ne vous cacherai pas que certains n'en sont plus à cette étape, mais à celle de l'affirmation :  « ça sert à rien », « c'est mécanique », « je m'en sors mieux sans », etc. L'une des réflexions les plus courantes est alors
Pourquoi viens-tu me voir ? Si tu ignores les réponses qui te sont données, pourquoi te renseignes-tu sur l'écriture de scénario ?  

Concédons le, je n'ai pas eu de dialogue de sourds. Mais ce n'est pas toujours le cas. Des gens fuient les formules d'écriture. Et je crois avoir une esquisse d'explication à cela : c'est très souvent parce qu'ils leur allouent un rôle qui n'est pas le leur. Par exemple de considérer les formules comme des techniques d'écriture. Or il est une erreur de penser qu'il en existe.
(ce n'est que mon avis, bien entendu, et ça n'engage personne)


Les petits "trucs" de scénaristes sont des aides, et non des manuels. Pour ne reprendre que le modèle actanciel, je ne connais pas d'auteur qui en ait dressé un au commencement de son scénario alors qu'il en cherchait encore le thème ou la proposition dramatique. Comme dit, il n'est qu'un outil d'analyse, soit pour l'étude d'une œuvre, soit en cas de tâtonnement si l'on ne sait plus comment faire avancer notre récit. On use des formules pour se sortir d'un manque d'inspiration temporaire, ou pour vérifier l'évolution dans l'intrigue de nos personnages – ou à l'inverse l'édification de l'intrigue par les personnages –, vérifier le vraisemblable, fuir le linéaire ou le stéréotype, etc.

Ce sont des outils de réflexion et non d'invention. Et en tant qu'outil, même spécialisés, si l'on les emploie mal, le résultat ne sera pas probant.



L'une des autres réactions que l'on rencontre souvent est celle-ci :
« J'ai peur que ça m'entrave, que ça me limite dans mon écriture »
Il peut en être ainsi si vous systématiser la formule. Dresser un tableau peut être dangereux dans le sens où l'on réduit les informations à leur essence. Et dans le cas où cette étape est mal effectuée, tout peut arriver si l'on est pas initié à l'outil, des catastrophes peuvent se produire. Et au lieu de rendre original ou étoffé son personnage, il peut passer du statut d'archétype à celui de stéréotype (et c'est grave si ce n'est pas souhaité !).

L'Art du scénario est de condenser. Transmettre à différentes échelles, à l'aide de différents supports (d'où le fait d'adapter son écriture en fonction de son format final). Les formules sont aussi là pour éviter l'éparpillement, de nous laisser emporter par notre imagination jusqu'à en perdre les rennes, et de diverger de notre thème et de notre proposition dramatique. Lors de notre écriture, beaucoup d'idées seront posées sur papier, et il faudra en faire le tri et l'agencement. En garder, et inévitablement, en laisser... Le danger est de trop diverger et de s'éloigner de son intrigue principale.


Il y a différentes écoles de pensée. Et l'on ne peut jeter l'opprobre sur aucune d'elles. Les outils s'adaptent, leur emploi ne varie que peu, et les conclusions qui découlent de leur utilisation change du tout au tout selon les scénarios de chacun, mais amènent à la même finalité : le constat et la réflexion. Et ils vont par deux. S'il en manque seul, ou même les deux, alors l'outil a mal (très mal, odieusement) été employé, et son apport est nul.


En conclusion, ce sont souvent les a priori qui faussent l'avis des gens sur les formules. Et si l'on peut très bien écrire sans en user, lorsque l'on débute (ou que le succès n'est pas au rendez-vous), il est plus que conseillé d'analyser ce qu'on écrit. Plus tard, vous pourrez refuser l'utilisation de telle ou telle formule, mais pour ce faire, il faut l'expérience. C'est-à-dire la force empirique.