Mais à quoi ça sert ?

Le 5 et 6 Novembre se déroulaient, comme chaque année depuis 24ans maintenant, les Joutes du Téméraire à Nancy, auxquelles je participais et tenais un stand sur l'écriture de scénario dans le cadre de la fiction sonore. Et une nouvelle fois, l'on a pu faire le constat que beaucoup de gens avaient une certaine... aversion  envers les formules d'écriture.

Mon édito sur le modèle actanciel en faisait déjà allusion, mais pour reprendre sur de bonnes bases en ce mois de Novembre, j'aimerai m'attarder sur le sujet.



« Mais à quoi ça sert ? »
Voici l'une des phrases que l'on entend le plus souvent. Je ne vous cacherai pas que certains n'en sont plus à cette étape, mais à celle de l'affirmation :  « ça sert à rien », « c'est mécanique », « je m'en sors mieux sans », etc. L'une des réflexions les plus courantes est alors
Pourquoi viens-tu me voir ? Si tu ignores les réponses qui te sont données, pourquoi te renseignes-tu sur l'écriture de scénario ?  

Concédons le, je n'ai pas eu de dialogue de sourds. Mais ce n'est pas toujours le cas. Des gens fuient les formules d'écriture. Et je crois avoir une esquisse d'explication à cela : c'est très souvent parce qu'ils leur allouent un rôle qui n'est pas le leur. Par exemple de considérer les formules comme des techniques d'écriture. Or il est une erreur de penser qu'il en existe.
(ce n'est que mon avis, bien entendu, et ça n'engage personne)


Les petits "trucs" de scénaristes sont des aides, et non des manuels. Pour ne reprendre que le modèle actanciel, je ne connais pas d'auteur qui en ait dressé un au commencement de son scénario alors qu'il en cherchait encore le thème ou la proposition dramatique. Comme dit, il n'est qu'un outil d'analyse, soit pour l'étude d'une œuvre, soit en cas de tâtonnement si l'on ne sait plus comment faire avancer notre récit. On use des formules pour se sortir d'un manque d'inspiration temporaire, ou pour vérifier l'évolution dans l'intrigue de nos personnages – ou à l'inverse l'édification de l'intrigue par les personnages –, vérifier le vraisemblable, fuir le linéaire ou le stéréotype, etc.

Ce sont des outils de réflexion et non d'invention. Et en tant qu'outil, même spécialisés, si l'on les emploie mal, le résultat ne sera pas probant.



L'une des autres réactions que l'on rencontre souvent est celle-ci :
« J'ai peur que ça m'entrave, que ça me limite dans mon écriture »
Il peut en être ainsi si vous systématiser la formule. Dresser un tableau peut être dangereux dans le sens où l'on réduit les informations à leur essence. Et dans le cas où cette étape est mal effectuée, tout peut arriver si l'on est pas initié à l'outil, des catastrophes peuvent se produire. Et au lieu de rendre original ou étoffé son personnage, il peut passer du statut d'archétype à celui de stéréotype (et c'est grave si ce n'est pas souhaité !).

L'Art du scénario est de condenser. Transmettre à différentes échelles, à l'aide de différents supports (d'où le fait d'adapter son écriture en fonction de son format final). Les formules sont aussi là pour éviter l'éparpillement, de nous laisser emporter par notre imagination jusqu'à en perdre les rennes, et de diverger de notre thème et de notre proposition dramatique. Lors de notre écriture, beaucoup d'idées seront posées sur papier, et il faudra en faire le tri et l'agencement. En garder, et inévitablement, en laisser... Le danger est de trop diverger et de s'éloigner de son intrigue principale.


Il y a différentes écoles de pensée. Et l'on ne peut jeter l'opprobre sur aucune d'elles. Les outils s'adaptent, leur emploi ne varie que peu, et les conclusions qui découlent de leur utilisation change du tout au tout selon les scénarios de chacun, mais amènent à la même finalité : le constat et la réflexion. Et ils vont par deux. S'il en manque seul, ou même les deux, alors l'outil a mal (très mal, odieusement) été employé, et son apport est nul.


En conclusion, ce sont souvent les a priori qui faussent l'avis des gens sur les formules. Et si l'on peut très bien écrire sans en user, lorsque l'on débute (ou que le succès n'est pas au rendez-vous), il est plus que conseillé d'analyser ce qu'on écrit. Plus tard, vous pourrez refuser l'utilisation de telle ou telle formule, mais pour ce faire, il faut l'expérience. C'est-à-dire la force empirique. 

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